Naviguer le changement en enseignement supérieur ou comment inventer sa boussole
Parce que le changement est partout et qu’à titre de CP, on se retrouve souvent au cœur d’une tempête perpétuelle, il me semblait que la nouvelle saison à i-mersion CP pourrait partir du bon pied avec un atelier sur la gestion du chaos proposé par Zyad Chouadhi.
Vous le savez, notre rôle, à la fois passionnant et complexe, nous place à l’intersection de multiples défis : accompagner le personnel enseignant, suivre les programmes, offrir un soutien pédagogique, tout en restant à l’écoute et en cultivant notre capacité à voir les choses autrement. Autrement dit, nous avons une position d’agents de changement, un rôle qui soulève autant de questions que de possibilités.
Le paradoxe du changement constant
Il y a quelque chose de profondément ironique dans notre situation. Nous sommes censés être les piliers de la stabilité pédagogique, et pourtant, nous naviguons dans un océan où les directives changent plus rapidement que les saisons. «Jamais les mêmes directives plus d’un an», comme le disait une participante.
Cette réalité soulève une question cruciale : comment agir à titre d’agents de changements positifs quand le sol sous nos pieds est en perpétuel mouvement ?
La théorie de la gestion du changement
Zyad nous a proposé quelques lignes de la théorie de Kotter (1996), soit les huit étapes du changement:
- Créer un sentiment d’urgence: Montrer pourquoi le changement est nécessaire.
- Former une coalition puissante: Rassembler une équipe influente pour diriger le changement.
- Développer une vision et une stratégie: Clarifier la direction du changement et comment y parvenir.
- Communiquer la vision du changement: Partager la vision avec tous les membres de l’organisation.
- Donner aux autres le pouvoir d’agir sur la vision: Éliminer les obstacles et permettre aux gens de mettre en oeuvre le changement.
- Produire des victoires à court terme: Générer des succès rapides pour maintenir la motivation.
- Consolider les gains et produire plus de changement: Utiliser les succès pour encourager davantage de changements.
- Ancrer les nouvelles approches dans la culture: Intégrer les changements dans la culture organisationnelle
Mais pourquoi ça ne fonctionne pas dans la pratique comme dans la théorie? Comme le dirait Clara Dyan-Charles, le sentiment d’urgence amène la stratégie « brasser de l’air qui consiste à courir partout en agitant les bras et en changeant le plus de trucs possible sans comprendre quel est l’objectif, pourquoi on fait ça, quelle est la démarche? » Pour sa part, Zyad regroupe les raisons sous dix points: manque de compréhension du contexte, résistance mal gérée, communication inefficace, leadership inadéquat… Chacun de ces points fait écho à des situations que j’ai vécues ou observées. Et vous?
Aussi, quand on ne sait pas où on s’en va, faut pas s’étonner d’aller nulle part. Marie-El Domingue
Mais encore? La résistance au changement est naturelle, c’est un fait… L’être humain cherche le confort de la routine. Notre défi est de transformer cette résistance en opportunité d’apprentissage. Comme l’a judicieusement fait remarquer une personne : « On apprend dans l’inconfort et l’inconfort vient du changement ». C’est dire que notre rôle n’est pas seulement d’imposer le changement (une chance!), mais de créer un environnement où l’inconfort devient une source de croissance.
Les limites de la théorie face à la réalité du terrain
Quand on ne sait pas où l’on va, tous les chemins mènent nulle part. Henry Kissinger
Zyad nous a proposé un petit défi… en fait, il nous a glissé dans des séances scindées sans consignes ou défis. Nous nous sommes donc tous retrouvés ne sachant pas trop quoi faire de notre temps. Bon, certains en ont profité pour magasiner des meubles Ikea vraisemblablement…
Cette petite expérience nous a permis de réfléchir… à éviter d’aller dans une bibliothèque en disant simplement « j’aimerais lire un truc! ». Zyad parlait de gain par rapport au coût, c’est-à-dire prendre le temps de reculer pour clarifier les consignes avant d’avancer dans un projet. Comme il le disait, en tout temps, il faut pouvoir répondre à ces questions fondamentales :
- Quel est l’état final recherché / l’objectif commun ?
- Dans quel cadre évoluons-nous ?
- Avec qui travaillons-nous ?
- Où nous situons-nous dans l’organisation ?
- Quelles sont les règles du jeu ?
- De quels moyens disposons-nous ?
Ces questions forment une sorte de boussole, un point d’ancrage dans le chaos du changement.
Elles nous rappellent l’importance de la clarté, de la compréhension de notre environnement et de notre rôle.
Embrasser le chaos avec lucidité
En fin de compte, ce que je retiens, c’est que la gestion du changement est avant tout un exercice d’équilibriste. Il faut être à la fois ferme dans nos convictions pédagogiques et flexible dans notre approche. Nous ne sommes ni tout-puissants, ni impuissants; nous sommes des acteurs clés dans un processus complexe.
on peut être responsable que proportionnellement aux cartes qu’on a en main. Clara Dyan-Charles
Comme l’a si bien Sandra Benjamin : « On ne peut pas accompagner au changement si nous-mêmes nous ne savons pas où nous nous situons ». Cette phrase résonne en moi comme un appel à l’introspection et à la vigilance constante.
Le défi, en tant que CP, n’est pas de maitriser le chaos, mais d’apprendre à danser avec lui. Pour ce faire, Zyad propose de regrouper certaines informations:
- L’état final recherché / objectif final commun est…
- J’évolue dans le cadre…
- Avec…
- Je me situe…
- Les règles du jeu écrites et non écrites sont…
- Mes moyens sont…
Autrement, il est impossible de donner «la bonne impulsion, au bon moment à la bonne intensité».