Le mentorat dans tout ses états

Le 19 mars 2025, trois conseillers pédagogiques de Polytechnique Montréal ont partagé leur expérience du mentorat lors d’un atelier (Rivest, Courcot, & Faust, 2025) organisé par i-mersion CP. François Rivest, Blandine Courcot et Rachel Faust ont présenté leur approche « organique » du mentorat et les bénéfices qu’ils en ont tirés.

Une rencontre de parcours diversifiés

La richesse du mentorat à Polytechnique repose en grande partie sur la diversité des parcours professionnels des trois intervenants.

François Rivest, conseiller pédagogique depuis 2003 et à Polytechnique depuis 2019, a commencé sa carrière comme professeur d’histoire au secondaire. Son expérience dans un programme d’alphabétisation des adultes lui a permis de développer une vision plus complexe et nuancée de l’intelligence humaine. Avec son ouverture d’esprit et sa curiosité, François apprécie particulièrement la diversité intellectuelle que lui offre son environnement actuel :

« C’est le seul endroit dans ma carrière où je peux parler de poésie, de musique, de physique quantique, des lois de Newton, de thermodynamique. Et puis tout ça, c’est acceptable. »

Blandine Courcot, arrivée plus récemment à Polytechnique, a un parcours interdisciplinaire à l’interface de plusieurs domaines scientifiques, notamment la physique, la chimie, les neurosciences, et l’écologie forestière. Son intérêt pour la pédagogie universitaire l’a amenée à se former en éducation des adultes à l’UQAM.

Rachel Faust a enseigné la physique au collégial pendant 14 ans avant de devenir conseillère pédagogique. Passionnée par la pédagogie, elle a complété une maîtrise en technologie éducative tout en enseignant. Après une première expérience comme conseillère pédagogique dans un service aux entreprises, elle a rejoint l’équipe de Polytechnique en janvier 2024.

Qu’est-ce que le mentorat?

Blandine Courcot a commencé par rappeler la définition du mentorat proposée par Mentorat Québec :

« un moyen de développement et d’apprentissage qui est volontaire, gratuit et confidentiel. »

Elle a souligné la spécificité du mentorat par rapport au coaching : alors que le coaching aide la personne coachée à accéder à son plein potentiel à travers un processus qui ne repose pas sur l’expertise du coach, le mentorat implique une transmission de sagesse et d’expertise.

Si des cadres formels de mentorat existent, comme celui développé par Lois Zachary (Center for Mentoring Excellence, 2025) qui s’articule autour de quatre phases (préparation, négociation, mise en œuvre et clôture) (Zachary, 2005), l’équipe de Polytechnique a privilégié une approche plus naturelle et organique, tout en la structurant progressivement.

Une approche mentorale organique

François a expliqué comment le mentorat s’est développé au Bureau d’appui et d’innovation pédagogique (BAIP) de Polytechnique : « Il y a quelques années, j’avais dit à notre patronne, Judith : ‘Moi je suis rendu à un point dans ma carrière où j’aimerais faire du mentorat, parce que je crois que ça pourrait provoquer des développements professionnels chez moi qui seraient très riches.' »

Il a également souligné l’importance des caractéristiques humaines qui facilitent le mentorat : curiosité, ouverture d’esprit, capacité à prendre des risques, recul, humilité et écoute active. Il a également mentionné l’avantage de l’absence de lien hiérarchique : « Je crois que ne pas avoir de lien hiérarchique avec les personnes qu’on veut mentorer est un élément facilitant. »

Ce mentorat, initialement très informel et basé sur le principe du « juste à temps », a évolué vers une forme plus structurée incluant des périodes formelles appelées « pédago-mancie » (un terme inventé par l’équipe). Rachel a raconté comment, dès sa première journée, François lui a proposé d’être son mentor, une offre qu’elle a acceptée avec plaisir.

Pour Blandine, arrivée trois mois après Rachel, le mentorat a offert un « espace dialogique et réflexif » précieux. Contrairement à Rachel qui privilégiait l’observation avec François lors des rencontres avec les professeurs, Blandine a préféré aller en solo en accompagnement, avec des discussions avant et après les rencontres. Cette flexibilité témoigne de l’adaptabilité du mentorat aux préférences individuelles.

Les bénéfices du mentorat

Les trois intervenants ont identifié de nombreux bénéfices du mentorat :

  1. Accélération de l’intégration professionnelle : Rachel mentionne avoir développé rapidement « un sentiment d’appartenance au BAIP, mais à Polytechnique aussi. » François a évoqué l’importance de l’intégration à la culture institutionnelle.
  2. Développement de l’identité professionnelle : Pour Rachel, la relation mentorale l’a aidée à « développer [son] identité professionnelle de conseillère pédagogique. »
  3. Compréhension de la dynamique institutionnelle : Blandine souligne que « démarrer dès le début cette relation mentorale a été vraiment très important dans ma compréhension de l’institution. »
  4. Soutien émotionnel et motivationnel au quotidien.
  5. Échanges réciproques enrichissants : François a évoqué les suggestions mutuelles de lectures et l’observation des pratiques qui « Interroge parfois de façon très marquée la manière dont je m’y prends. »
  6. Développement de l’autonomie par l’entraide : La collaboration sur certains dossiers aide à développer l’autonomie de chacun.

François a particulièrement insisté sur les bénéfices pour le mentor : « Les bénéfices, je les découvre encore, ils me paraissent évidents à chaque fois qu’on a une rencontre tous les trois ou une rencontre individuelle. » Il a notamment souligné comment ce rôle l’a amené à devenir encore plus rigoureux et lui a permis de continuer à développer ses capacités mentorales.

Les enjeux et les freins du mentorat

La discussion a également permis d’identifier plusieurs enjeux et freins potentiels :

  1. La confidentialité : Rachel a soulevé l’importance de clarifier les limites de la confidentialité. « À quel moment est-ce qu’une conversation fait partie de ce cadre-là de mentorat? »
  2. Le manque de temps : Plusieurs participants ont mentionné l’absence de temps dédié au mentorat comme un frein majeur.
  3. L’absence de reconnaissance formelle : Les participants ont soulevé l’enjeu que temps investi dans le mentorat n’est pas toujours reconnu par l’institution.
  4. La proximité géographique : Le présentiel facilite grandement la relation mentorale, ce qui pose la question des défis du télétravail.
  5. La timidité : Une participante a mentionné que la timidité peut empêcher de solliciter un mentor potentiel.
  6. Le choix du mentor : Blandine a évoqué la question du libre choix du mentor. Ceci n’a pas été problématique dans leur situation mais pourrait être un élément à considérer.

Conclusion : le mentorat comme catalyseur de développement professionnel

Au terme de l’atelier, les participants ont identifié la confiance et la disponibilité comme les éléments essentiels d’un accompagnement réussi pour les nouvelles personnes conseillères pédagogiques.

Blandine a conclu en soulignant que :

« la personne mentor agit comme un catalyseur dans notre construction identitaire professionnelle. Au-delà de l’aide pour les tâches routinières, le mentor contribue à développer la confiance professionnelle et aide à se projeter vers un ‘moi professionnel futur.' »

L’expérience partagée par François, Blandine et Rachel illustre comment une approche mentorale, même initialement informelle, peut évoluer vers une pratique structurée et enrichissante pour tous. Elle rappelle également qu’il n’est « jamais trop tard pour trouver la bonne personne mentor » et officialiser cette relation.

Pour les conseillers pédagogiques, qu’ils soient novices ou expérimentés, le mentorat offre ainsi une voie prometteuse de développement professionnel, à condition de prendre le temps de verbaliser les attentes, de clarifier les rôles et de cultiver la confiance mutuelle.

Information sur l’atelier :

Animateurs – Polytechnique Montréal Bureau d’appui et d’innovation pédagogique :

Bibliographie

Center for Mentoring Excellence. (2025). About the Founder Dr Lois J. Zachary. Retrieved from Center for Mentoring Excellence: https://www.centerformentoring.com/about-us/dr-lois-j-zachary

Rivest, F., Courcot, B., & Faust, R. (2025, mars 19). Le mentorat dans tous ses états. i-mersioncp.ca, Montréal, Québec, Canada.

Zachary, L. J. (2005). Creating a Mentoring Culture : The Organization’s Guide (Vol. 1). San Francisco, Californie, États-Unis: John Wiley & Sons. Retrieved from https://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=yRGRCgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PR13&dq=Lois+Zachary+Four+phase+Mentoring+Model&ots=VeeLEY0vlq&sig=5u2WZARHKmegtQ1i6D9XPJT-rVc#v=onepage&q&f=false

Rédaction de l’article :

Cet article a été rédigé le 8 avril 2025 par Julie Couture, en collaboration avec Caroline Girard, à partir du fichier de transcription de l’atelier et avec le soutien de l’IA générative.