Initiation à la gestion de projets pédagogiques

*** Chronique rédigée par Camille Arpin de Collecto concernant l’atelier de Alexandre Bédard, CP à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), intitulé Initiation à la gestion de projet pédagogique: En tant que CP, par où commencer?  ***

Comme conseiller ou conseillère pédagogique, on porte de nombreux chapeaux. On accompagne souvent des personnes enseignantes ou des équipes dans la mise sur pied de projets variés. De manière générale, nos efforts acharnés mènent à l’implantation heureuse de projets novateurs, mais d’autres fois…malgré tout notre bon vouloir, les résultats ne sont pas ceux imaginés ou le projet tombe à plat.

Dans cet atelier du Rendez-vous CP 2024, ouvert aux échanges et à la discussion, Alexandre P. Bédard, conseiller pédagogique et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal, a repris les bases de la gestion de projets pour l’appliquer au contexte pédagogique.

Qu’est-ce qu’un projet ?

De manière générale, on s’accorde pour définir un projet comme étant quelque chose ayant un début et une fin. Ce «quelque chose» répond à un ou des objectifs qui seront mesurés par les livrables. Pour qu’un projet se concrétise, des parties prenantes seront impliquées. (Ça prend du monde pour mener à bien un projet !) Ces parties prenantes sont variées:

  • l’institution d’enseignement
  • les politiques en place
  • le personnel mobilisé
  • le public ciblé
  • différents partenaires externes
  • etc.

Chose certaine, même si on le souhaite ardemment, il est impossible de plaire à tout le monde. Pour réaliser les livrables attendus, il importe de réaliser une série d’étapes diverses à différents moments et d’assigner des rôles et des responsabilités aux acteurs et actrices du projet. Il faut planifier, organiser, diviser et contrôler (PODC) les ressources, le temps et les contraintes.

Comme le souligne Alexandre, avant de se lancer tête première dans un projet, il est important d’identifier de qui vient l’initiative de ce projet, qui en est le promoteur. La personne ou l’équipe instigatrice du projet a identifié des besoins spécifiques pour mettre en place, par exemple, une formation en ligne ou un nouveau programme, et connait le contexte dans lequel le projet s’insère. Une bonne connaissance des besoins à l’origine du projet permettra de produire des livrables en adéquation avec la demande qui a été formulée. Cette initiative doit être structurée et doit s’inscrire dans un cadre et un contexte définis. Aussi, il faut que l’initiative soit unique pour éviter tout dédoublement ou chevauchement avec d’autres projets.

Une fois l’initiative bien définie par le ou les promoteurs, c’est à la personne chargée de projet d’en définir les objectifs et de planifier le développement, l’implantation et l’évaluation des solutions imaginées pour répondre au besoin.

En gestion de projet, l’étape de la planification et celle de l’organisation sont distinctes. En théorie, la réflexion a eu lieu en amont et, ensuite, on applique les solutions qui ont été trouvées. Toutefois, en pratique, il est essentiel de réévaluer constamment les jalons du projet pour s’assurer, entre autres, de respecter l’échéancier et le budget définis.

Le triangle des contraintes

Alexandre a présenté aux personnes participantes le triangle des contraintes. Aux 3 extrémités du triangle, les concepts de coût, de portée et de temps figurent. Ces facteurs entrent en relation avec 3 autres : le risque, les ressources et les perceptions. Ces 6 éléments doivent être pris en compte pour assurer un projet de qualité.

À titre d’exemple, prenons la portée dans le temps. Il faut réfléchir à la portée du projet et aux règlements mis en place par l’institution qui le balise. En sachant à quelles fins on réalise le projet et le cadre qui le régira, on prédira mieux la pérennité de celui-ci.

À gauche, la mention «Triangle des contraintes» est écrite en blanc. Sur un dégradé de bleu et de jaune, figurent deux triangles. Aux extrémités supérieures du triangle inversé bleu clair, nous pouvons lire les termes «risque» et «ressources» et, sur la pointe inférieure, le terme «perceptions». Un second triangle est superposé sur le précédent. Au bas du triangle, nous retrouvons, à gauche, la pointe avec la mention «temps», et, à droite, la pointe avec le mot «portée». Le temps et la portée sont liés par une double flèche sous laquelle on peut lire le mot «agilité». La pointe du haut du triangle porte la mention «coûts». Le côté gauche (entre les termes «temps» et «coûts») est relié par une double flèche avec la mention «réactivité». Le côté droit, qui relie les éléments «portée» et «coûts», arbore une double flèche avec la mention «efficience».
Capture d’écran de la présentation d’Alexandre P. Bédard lors du RVCP 2024.

Les phases de la gestion de projet

Alexandre présente aux personnes participantes 5 phases dans la gestion d’un projet:

  1. Avant-projet / lancement – initialisation
  2. Planification
  3. Exécution
  4. Surveillance et contrôle
  5. Clôture
Sur un dégradé de bleu et de jaune, le titre «Phases de la gestion de projet» apparait en blanc. En-dessous, 5 flèches de différentes longueurs sont placées les unes sous les autres. Les pointes des flèches sont toutes alignées pour terminer à la même longueur sur la droite. Dans la première flèche, la plus haute et la plus longue, on peut lire «Avant-projet/lancement-initialisation». La flèche suivante, un peu plus courte, porte l’inscription «Planification». Sur la troisième flèche, qui fait la moitié de la première, on peut lire «Exécution». La quatrième flèche porte l’inscription «Surveillance et contrôle». Finalement, sur la cinquième et dernière flèche, la plus basse et la plus courte, on peut lire le mot «Clôture».
Capture d’écran du diaporama d’Alexandre P. Bédard lors du RVCP 2024 présentant les 5 phases de la gestion de projet

Ces phases de la gestion de projet fluctuent. Par exemple, dans la méthode agile, moins de temps est consacré à la phase de planification, car on y revient tout au long du projet. De plus, dans le cadre d’un projet spécifique, si les risques anticipés sont de moindre importance, on pourrait mettrede côté la phase de surveillance et de contrôle. L’une des participantes de l’atelier ajoute que, bien souvent, l’étape de clôture est escamotée, c’est-à-dire qu’une fois les livrables réalisés, le postmortem est malheureusement omis.

Alexandre recommande de tenir un carnet de bord tout au long du projet. Ainsi, documenter chaque étape au fur et à mesure rend l’étape de clôture beaucoup moins fastidieuse.

L’avant-projet

Lors de l’atelier, une attention particulière a été mise sur l’étape de l’avant-projet. Cette étape est cruciale pour le bon déroulement du projet. Il s’agit d’une phase de collecte d’information où le ou la CP doit définir les besoins, les contraintes et la faisabilité du projet. Alexandre la compare à un bébé qui pleure. Il faut deviner la source de ses pleurs pour pouvoir bien répondre à ses besoins. Il faut déterminer dès le début la raison pour laquelle le projet est mis sur pied. De plus, l’avant-projet n’est que rarement budgété.

Pendant la phase de l’avant-projet, certains éléments clés doivent être réalisés:

  • définition des objectifs (SMART)
  • analyse des besoins
  • identification des parties prenantes et le moment au cours du projet où elles seront mobilisées
  • évaluation des ressources disponibles
  • analyse des risques

Avant de faire un plan ou un budget, il est judicieux de réfléchir à tous les facteurs du triangle des contraintes. Il arrive que certains besoins formulés aux CP manquent de clarté : plus souvent qu’autrement, les personnes enseignantes ont une foule d’idées, mais pas nécessairement de besoin précis. C’est au CP d’identifier le besoin qui se cache derrière l’idée. Lorsque ce dernier est imprécis, il faut sensibiliser le promoteur ou des pairs pour obtenir plus de détails, car il s’agit d’une information clé pour démarrer le projet du bon pied. Aussi, lors de la collecte d’information, il importe d’évaluer si le temps et les sommes octroyés permettent de réaliser l’entièreté du projet. Si ce n’est pas le cas, l’avant-projet est le bon moment pour montrer au promoteur l’inadéquation du besoin avec les ressources allouées.

L’avant-projet peut parfois être chronophage, selon le milieu et la nature du projet.

L’analyse des risques pendant l’avant-projet est une étape importante. Bien qu’il soit pessimiste de réfléchir à ce qui adviendra si l’on échoue, il faut tout de même identifier qui seront les personnes perdantes si le projet n’est pas mené à terme. Aussi, quels risques sont encourus s’il y a dépassement de  l’échéancier ou du budget? Plusieurs analyses de risques peuvent être réalisées pour un même projet. D’ailleurs, Alexandre suggère d’utiliser une matrice d’évaluation des risques (risk assessment matrix). De nombreux gabarits sont accessibles en ligne.

Toujours dans la phase de l’avant-projet, il est important de déterminer une personne «go / no-go». Cette dernière prendra les décisions exécutives lorsque l’équipe n’arrive pas à un consensus ou dans certaines situations qui auront un impact sur la suite du projet.

Aux 5 phases présentées sommairement s’ajoute l’étape d’ajustement. Pendant l’exécution du projet, si des écueils sont rencontrés, il faut pouvoir réajuster les livrables et l’échéancier sans avoir à attendre la phase de contrôle officielle. Cela pourrait occasionner des délais importants et compromettre une partie du travail déjà réalisée.

Finalement, Alexandre rappelle aux personnes participantes que le rôle du CP devrait être défini dès l’avant-projet ou la phase de planification. Bien souvent, on ne le sollicite que lors de l’exécution du projet, ce qui complexifie son rôle : comment prendre en charge un projet et le contrôler sans avoir pu le penser ni le planifier en amont?

En clôture d’atelier, Alexandre a mis à la disposition des participants et des participantes une grille d’analyse pour aider chacun et chacune dans l’évaluation des différentes phases de son projet. Celle-ci figure à la fin du diaporama (voir ci-bas). Il ne reste plus maintenant qu’à rêver d’un nouveau projet!