Au camp FAD, j’ai eu la chance de travailler dans la FAD squad avec une équipe de l’UQAR. Le projet consistait à migrer trois cours en formation à distance (FAD) pour les personnes étudiantes au le Baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire au lieu de baccalauréat en sciences de l’éducation. L’objectif était d’explorer des pratiques efficaces dans ce contexte, au service de l’apprentissage, de l’enseignement et de l’évaluation.
Jour 1: Analyse et carte d’empathie
Avant toute chose, je crois qu’il importe de mentionner que ça va vite, au camp FAD… trop vite pour ne pas pouvoir se rabattre sur une démarche qu’on maitrise ou des outils qu’on connait déjà. Dans mon cas, c’est la raison pour laquelle j’ai utilisé une démarche de Scholarship of Teaching and Learning (SoTL). D’ailleurs, une nouvelle formation autoportante développée en collaboration avec CADRE 21 propose un survol du SoTL et de différentes autres approches.
La première étape de la démarche a consisté à dresser un portrait détaillé de la situation. À l’aide d’outils d’analyse contextuelle, nous avons d’abord exploré les différentes dimensions du projet : le programme, les cours ciblés, les ressources disponibles et les contraintes institutionnelles. Pour ce faire, je leur ai proposé d’utiliser ce modèle sur Canva.
Contexte d’enseignement
Cette analyse préliminaire nous a permis de mieux cerner les enjeux et les opportunités. Un élément important à noter est que les personnes étudiantes n’ont peu ou pas d’expérience de la formation à distance (FAD). Elles éprouvent donc un niveau d’anxiété élevé. Elles font preuve d’un fort désir d’excellence, et souhaitent que la matière soit ancrée dans des situations authentiques. Pour le moment, en FAD, elles ont tendance à garder leurs caméras fermées et ne communiquent pas beaucoup avec l’enseignante. Aussi, elles ne se connaissent pas ou peu.
En fait, ces étudiantes sont en quatrième et dernière année. Elles viennent de terminer un stage. Le cours visé par la migration en FAD constitue leur premier et dernier cours à option dans le programme. Elles ont généralement déjà de l’expérience dans les milieux scolaires, que ce soit par des stages, des remplacements ou des contrats.
Les personnes étudiantes sont réparties sur trois campus distincts, ce qui rend la FAD plus pertinente. Elles souhaitent recevoir du contenu, mais sont plus ou moins prêtes à s’investir activement. Elles sont intéressées par le cours, mais ne veulent pas qu’il soit trop exigeant, leur principal objectif étant d’obtenir leur brevet d’enseignement.
Le cours est actuellement offert le lundi soir de 16h à 19h. Les personnes étudiantes y participent souvent depuis leur cuisine ou leur salle de classe, ce qui n’est pas nécessairement l’environnement le plus propice à leur engagement.
Le projet de migration vise un cours en asynchrone pour l’hiver 2025, alors que le cours était précédemment offert en mode synchrone. Il y a un désir d’accompagnement pour revoir et réimaginer ce cours.
Le sigle du cours, ATE, fait référence à la création d’un cours optionnel suite à la révision du programme, dans une volonté d’approfondir certaines thématiques déjà abordées, notamment en lien avec le développement professionnel.
Perspective de la personne apprenante
Cependant, il manquait une dimension essentielle : la perspective des personnes apprenantes. C’est pourquoi j’ai proposé l’utilisation d’une carte d’empathie, un outil pour comprendre en profondeur les besoins, les craintes et les aspirations des personnes étudiantes. Lorsque nous avons utilisé cette carte d’empathie, nous en sommes venues à mieux comprendre les personnes étudiantes.
Elles désirent obtenir leur diplôme et reconnaissent l’importance de la formation continue. Elles souhaitent apprendre des choses concrètes qui leur seront utiles, sans «pelleter des nuages» comme on dit. Elles ont l’impression de ne pas avoir besoin de retourner sur les bancs d’école après leur stage de quatre mois, et considèrent que faire un bilan de leurs acquis n’est pas pertinent. Le contact avec les élèves leur manque; elles doivent faire le deuil de cet aspect.
Les personnes étudiantes ont parfois peur de manquer de temps ou d’énergie, car elles cumulent souvent des suppléances et d’autres projets. Dans les cours ATE, les consignes sont jugées trop techniques et restrictives. Elles aimeraient avoir plus d’espace pour développer leur esprit critique et expérimenter. Malgré le discours, elles n’ont pas toutes nécessairement des contrats qui les attendent, comme on pourrait le croire. La réalité varie selon les régions.
Elles apprécieraient une valorisation de leur expérience de stage, une considération pour les futures personnes enseignantes qu’elles sont. Elles souhaitent obtenir des balises pour gérer leur charge de travail tout en se développant professionnellement. Elles ont peur du jugement et de s’arrêter dans leur processus.
Après avoir complété cette carte d’empathie, j’ai eu une bien meilleure compréhension de la situation professionnelle de ces personnes étudiantes en formation.
Backward Design
En après-midi – parce que oui, c’est intense, le camp FAD – je me suis tournée vers le Backward Design pour aligner objectifs et pratiques! Cette approche permet de :
- Définir clairement les objectifs d’apprentissage essentiels
- Identifier les preuves d’apprentissage acceptables
- Concevoir des activités d’apprentissage alignées
Une question simple, mais fondamentale s’imposait: « Dans deux ans, vous croisez la personne étudiante à l’épicerie, que souhaitez-vous qu’elle ait retenu de ce cours? » Cette interrogation a permis de prioriser les apprentissages significatifs. Je leur ai ensuite demandé de comparer ce résultat à la fiche signalétique et à la cible de formation. Pour moi, c’était important de situer le tout sur la taxonomie de Bloom révisée et de s’assurer d’une cohérence avec le contexte, soit des personnes étudiantes en dernière année de baccalauréat.
Dans les deux cours ATE sous la loupe, le verbe d’action de l’objectif est «développer» et «comprendre». Ce constat nous a invités à réfléchir aux exigences du cours dans un principe de cohérence pédagogique.
Conclusion de la première journée
J’ai terminé cette journée en enregistrant leurs réponses à des questions:
- Qu’est-ce que vous retenez de la journée?
- Quelles décisions ont été prises?
- Quelles sont vos préoccupations à l’heure actuelle?
- Comment est-ce que je peux vous accompagner dans ces préoccupations?
- Quels sont vos besoins?
J’aime poser ces mêmes questions à chaque fin de rencontre d’accompagnement pédagogique. Les réponses me permettent de mieux me préparer aux prochaines rencontres, mais également de m’assurer d’être sur la même longueur d’onde que les personnes accompagnées. Après avoir échangé sur les différents éléments à prendre en compte, il ressort plusieurs points importants. Tout d’abord, il est primordial de revoir les objectifs du cours afin d’avoir une vision claire pour les personnes enseignantes et pour les personnes étudiantes. Il faut véritablement mettre ces dernières au centre de leurs apprentissages et tenir compte du fait qu’elles travaillent souvent plus intensément qu’on ne le pense.
L’engagement des personnes étudiantes est essentiel, tout comme la prise en compte de leur réalité de professionnelles en formation continue. Il faut penser à la formation continue et à la manière dont elles peuvent se réapproprier la démarche proposée. Dans cette optique, il faudrait revoir le format du cours, en réduisant la part des rencontres en présence au profit de modalités à distance. L’accent devrait être mis sur le transfert des apprentissages plutôt que sur la seule transmission des contenus.
Une approche multimodale, au service des personnes étudiantes, semble pertinente. Il faudra également évaluer leur démarche d’apprentissage de manière adéquate, sans se focaliser uniquement sur les examens.
En termes de décisions, la majorité du cours serait donc proposée en mode asynchrone, sans pour autant l’être totalement. Il faudra bien lancer la composante asynchrone et uniformiser les modalités de prestation. Cela soulève cependant quelques préoccupations, comme le fait d’avoir suffisamment de temps pour mettre en place le cours, de trouver le bon équilibre entre contenus théoriques et suivi du cheminement des personnes étudiantes.
Jour 2: Ligne du temps
La deuxième journée a été consacrée à la conception des cours. Nous avons :
- Développé des lignes du temps détaillées;
- Exploré diverses modalités d’apprentissage (balados, capsules vidéo, lectures dirigées);
- Réfléchi à des activités d’évaluation authentiques;
- Intégré des moments de pratique réflexive.
L’utilisation de l’IAG comme outil de créativité pédagogique s’est révélée particulièrement fructueuse. En formulant des requêtes précises incluant les objectifs de formation, nous avons pu générer et explorer diverses stratégies pédagogiques innovantes, tout en respectant l’alignement pédagogique. En voici un exemple :
« Je dois enseigner le cours (sigle) au (niveau) dont les cibles de formation sont les suivantes (extrait de la fiche signalétique). Peux-tu me donner des idées de méthodes d’évaluation et de stratégies pédagogiques de manière à respecter l’alignement pédagogique selon Biggs (1995), le backward design et la taxonomie de Bloom revisitée? (Requête utilisée sur Claude.AI) »
Les réponses obtenues ont permis aux personnes porteuses du projet de réfléchir à différentes options et de mieux articuler les idées retenues. À titre indicatif, voici un exemple d’une réponse obtenue:
1. Évaluations :
a) Journal de réflexion critique (niveaux « Analyser » et « Évaluer » de Bloom) :
Les étudiants tiennent un journal tout au long du cours, où ils réfléchissent de manière critique sur les enjeux discutés, leurs expériences de stage et leur développement professionnel.
b) Analyse comparative de recherches (niveaux « Analyser » et « Évaluer » de Bloom) :
Les étudiants choisissent deux recherches récentes en éducation préscolaire, les analysent et évaluent leurs implications pour la pratique professionnelle.
c) Projet intégrateur (niveau « Créer » de Bloom) :
Les étudiants élaborent un projet intégrateur qui synthétise leurs apprentissages, leurs expériences de stage et leur réflexion sur leur pratique professionnelle. Ce projet pourrait prendre la forme d’un portfolio numérique ou d’un plan d’action pour leur future pratique.
d) Débat en ligne (niveaux « Analyser », « Évaluer » et « Créer » de Bloom) :
Les étudiants participent à des débats structurés en ligne sur des enjeux controversés en éducation préscolaire, en présentant des arguments fondés sur la recherche et leur réflexion critique.
2. Stratégies pédagogiques :
a) Séminaires virtuels interactifs :
Organiser des séminaires en ligne où les étudiants présentent et discutent des enjeux spécifiques en éducation préscolaire, suivis de sessions de questions-réponses et de débats.
b) Études de cas collaboratives :
Présenter des cas complexes reflétant des enjeux réels en éducation préscolaire. Les étudiants travaillent en groupes virtuels pour analyser les cas, proposer des solutions et réfléchir sur les implications pour leur pratique.
c) Ateliers de réflexion en ligne :
Animer des ateliers virtuels structurés autour de thèmes spécifiques, où les étudiants partagent leurs réflexions, confrontent leurs idées et développent collectivement leur compréhension des enjeux.
d) Mentorat virtuel par les pairs :
Mettre en place un système de mentorat où les étudiants sont jumelés pour échanger régulièrement sur leurs réflexions, leurs défis et leurs apprentissages.
e) Curation de contenu collaboratif :
Les étudiants contribuent à une plateforme partagée (comme un wiki ou un blog collaboratif) où ils rassemblent, analysent et commentent des ressources pertinentes sur les enjeux en éducation préscolaire.
f) Simulations virtuelles :
Utiliser des outils de simulation en ligne pour mettre les étudiants dans des situations complexes qu’ils pourraient rencontrer dans leur pratique, suivies de séances de débriefing et de réflexion.
g) Conférences d’experts invités :
Organiser des webinaires avec des experts du domaine pour approfondir certains enjeux et permettre aux étudiants d’interagir directement avec des professionnels expérimentés.
Nous avons discuté des possibilités, des avantages et des défis engendrés. Certaines pistes ont été explorées dans les lignes du temps (voir photo ci-haut). Lors des échanges, l’accent a également été mis sur la nécessité d’assurer une certaine forme de cohérence entre les différents cours sur lesquels les personnes enseignantes travaillaient. Il fallait élaborer une structure permettant aux personnes étudiantes de percevoir des liens et des similitudes d’un cours à l’autre.
En batissant une ligne du temps des cours, les personnes accompagnées ont positionné les différents contenus et ont réfléchi à la manière d’atteindre l’objectif décrit dans la fiche, chose qui n’avait pas nécessairement été développée par le passé.
Jour 3: harmonisation et cohérence
Lors de la troisième journée, j’ai tenté de me mettre davantage en retrait. En effet, je n’ai pas vraiment respecté le ratio d’écoute de 80% proposé par Catherine-Julie lors des échanges précédents. J’ai donc laissé les personnes accompagnées travailler sur leur ligne du temps et se préparer à la conclusion du camp.
Mon expérience au Camp FAD
J’avoue avoir terminé ce camp épuisée, ayant tout donné dans cet accompagnement. Cependant, je me suis sentie très libre dans ce qu’elle pouvait leur proposer, étant donné les contraintes de temps. Or, j’avais besoin d’un cadre, d’une démarche à laquelle me rattacher, étant donné l’ampleur du projet.
En effet, j’étais l’une des seules coachs à n’avoir qu’une seule équipe, et non pas plusieurs petits projets autour desquels j’aurais pu les faire discuter. Il faut aussi mentionner que les personnes accompagnées ont assisté à peu d’ateliers, malgré leur grand intérêt, en raison de l’importance de leur propre projet.
La démarche que j’ai utilisée, m’inspirant librement du modèle SoTL, était pour moi une planche de salut, me permettant de m’assurer que l’équipe avait une direction à suivre. Cet article, c’est un peu ma façon de diffuser l’information et de redonner à la communauté ce que j’ai pu apprendre de cette expérience.
Cette expérience me confirme qu’une transformation pédagogique réussie repose sur un équilibre délicat entre rigueur méthodologique et flexibilité dans l’accompagnement. Elle nécessite une compréhension approfondie des contextes, des besoins et des contraintes, ainsi qu’une capacité à adapter les outils et les approches en conséquence. J’étais bien contente de pouvoir compter sur la FAD squad pour me faire cheminer en quelques minutes sur les avenues à prendre.
Merci à l’équipe de l’UQAR, à la FAD squad, mais surtout à Sara Dumais-April pour cette expérience pédagogique inoubliable!