Rôles et responsabilités des personnes conseillères pédagogiques en enseignement supérieur

Cette formation asynchrone propose une réflexion sur les rôles et les responsabilités des conseillères et des conseillers pédagogiques (CP) de l’enseignement supérieur au Québec. Elle se veut une invitation à explorer la diversité de la profession pour, entre autres, préciser et bonifier la définition des rôles et des responsabilités, comprendre leur étendue, clarifier les limites des interventions, optimiser leur coordination, regrouper certaines tâches et les positionner à l’aide d’une matrice décisionnelle. Afin de mettre en relief la réalité quotidienne des CP, les enjeux et les opportunités sont abordés en tenant compte des différents contextes de pratique (formation continue, programmes, réussite éducative). Ainsi, la formation permet de situer la pratique du CP dans une perspective de développement professionnel.

La formation vise à présenter les rôles et les responsabilités du CP dans les référentiels existants, mais également à clarifier et à s’approprier l’identité professionnelle du CP. En s’intéressant à l’identité professionnelle des CP, selon Daele (2021), il importe de:

  • définir les compétences requises pour exercer le métier;
  • cerner les champs et les modes d’action;
  • clarifier la situation du CP à l’intérieur de l’institution, entre autres, par rapport aux autres professionnels;
  • déterminer un langage spécifique pour structurer l’activité professionnelle;
  • développer un sentiment de collectivité au sein de la communauté.

Cette formation asynchrone propose une réflexion sur les rôles et les responsabilités des conseillères et des conseillers pédagogiques (CP) de l’enseignement supérieur au Québec. Elle se veut une invitation à explorer la diversité de la profession pour, entre autres, préciser et bonifier la définition des rôles et des responsabilités, comprendre leur étendue, clarifier les limites des interventions, optimiser leur coordination, regrouper certaines tâches et les positionner à l’aide d’une matrice décisionnelle. Afin de mettre en relief la réalité quotidienne des CP, les enjeux et les opportunités sont abordés en tenant compte des différents contextes de pratique (formation continue, programmes, réussite éducative). Ainsi, la formation permet de situer la pratique du CP dans une perspective de développement professionnel.

La formation vise à présenter les rôles et les responsabilités du CP dans les référentiels existants, mais également à clarifier et à s’approprier l’identité professionnelle du CP. En s’intéressant à l’identité professionnelle des CP, selon Daele (2021), il importe de:

  • définir les compétences requises pour exercer le métier;
  • cerner les champs et les modes d’action;
  • clarifier la situation du CP à l’intérieur de l’institution, entre autres, par rapport aux autres professionnels;
  • déterminer un langage spécifique pour structurer l’activité professionnelle;
  • développer un sentiment de collectivité au sein de la communauté.

Introduction

Les personnes conseillères pédagogiques (CP) se qualifient souvent de « migrants académiques » (Green et Little, 2013) en raison de leur diversité d’expériences professionnelles. Elles évoluent dans une constellation de métier comme le mentionne Lebrun (2021), occupant des fonctions hybrides au sein de l’institution (Daele, 2021). L’identité des CP est plurielle et partielle, s’inscrivant entre celle développée dans les expériences antérieures et celle issue des fonctions actuelles (Green et Little, 2013). De plus, le manque de socle commun résume une partie des problèmes rencontrés dans le cadre de la profession (ANSTIA, 2022).

« Quand la définition d’un métier est aussi diverse et floue et, qu’en plus, le contexte institutionnel dans lequel il s’inscrit est mouvant, sans lignes directrices précises qui guident l’accomplissement des missions, activités et tâches, il reste chez les professionnels un sentiment mitigé ou s’entremêlent d’un côté un fort enthousiasme pour les projets menés, mais d’un autre côté une impression de légitimité institutionnelle incertaine » (Daele, 2021, p. s.p.).

L’objectif n’est pas d’imposer une structure ou un vocabulaire, mais plutôt d’encourager un sentiment d’appartenance au sein de la communauté des CP. Dans un contexte où la figure professionnelle demeure mal définie (Peraya, 2021), cette formation vise à clarifier leurs rôles et leurs responsabilités, ainsi que les principales compétences nécessaires pour structurer leur activité professionnelle.

Écouter le deuxième épisode « Définir son rôle » (14 min 7 s) de la série balado Les beaux rôles sur les questions autour des rôles et responsabilités du CP de l’enseignement supérieur

Voici quelques réflexions pour guider votre écoute :

  • Quels sont les rôles et les responsabilités des personnes conseillères pédagogiques de l’enseignement supérieur présentement ?
  • Quels liens pouvez-vous tracer entre les rôles et les responsabilités identifiés et ceux que vous exercez ?
  • De quelle manière est-il possible de clarifier ou de délimiter les champs d’opération et les modes d’action des personnes conseillères pédagogiques de l’enseignement supérieur ?

Identité professionnelle

Bélisle (2011) considère que l’identité professionnelle s’avère une représentation de soi à titre de personne professionnelle dans un contexte donné. De son côté, Dubar (2000) soutient que l’identité professionnelle se construit autour de trois dimensions : le moi, le nous et les autres. Ainsi, en conseil pédagogique, elle peut être influencée par différents éléments dont 1) la compréhension de son rôle au sein de l’établissement, 2) la vision de l’apprentissage et de l’enseignement selon les théories connues et jugées pertinentes, 3) les compétences professionnelles qui sont influencées par l’expérience personnelles et professionnelle ainsi que les formations antérieures, 4) les valeurs, les normes et les attitudes professionnelles.

Selon Bélisle (2011), l’identité professionnelle est en constante évolution et diffère d’une personne à l’autre à l’intérieur même de la profession. Plusieurs facteurs internes et externes l’influencent.


Quelles sont les tensions possibles dans l’identité professionnelle ?

Dans son éditorial de 2015, Sutherland aborde la question de la marginalité, de la précarité, de la situation liminale, de l’étrangeté, de l’interlope et de l’imposture dès les premières lignes lorsqu’elle parle des rôles et des identités des CP. Précédemment, Green et Little (2013) qualifiaient ces personnes professionnelles de « migrants académiques », expression soutenue par Lebrun (2021) et Daele (2021), mettant en évidence leur position hybride au sein de l’établissement. Les contours de la profession sont flous (ANSTIA, 2022 ; Peraya, 2021). Effectivement, une certaine ambigüité subsiste quant au statut professionnel des CP, à leur formation et leur recrutement, leurs responsabilités, leurs interactions et leur collaboration avec les personnes enseignantes ou enseignantes-chercheures, ainsi que leur relation avec la recherche en pédagogie et en pédagogie universitaire (Christensen et Osguthorpe, 2004, Peraya, 2021).

Cette diversité et cette imprécision dans la description de la profession engendrent chez les personnes professionnelles un mélange de sentiments (Daele, 2021 ; Peraya, 2021) : d’une part, ils sont enthousiasmés par les projets qu’ils mènent, d’autre part, ils éprouvent une incertitude quant à leur légitimité institutionnelle (Timmermans et Sutherland, 2020). Les lignes directrices claires pour orienter l’exécution des missions, des activités et des tâches font défaut (Daele, 2021). Comme le soulignent Linder et Felten (2015), « we do not have a consensus about the appropriate methods we should employ to interpret, understand, and make meaning of our work » (p. 1). L’identité des CP est multiple et fragmentée, se situant entre celle issue de leurs expériences antérieures et celle découlant de leurs fonctions actuelles (Green et Little, 2013). Denouël (2021), de son côté, soutient que les CP sont confrontés à une diversité de référentiels, de titres, de niveaux de formation et de contextes professionnels, ce qui entraine des variations dans leurs missions, leurs fonctions et leur reconnaissance professionnelle.

Dans ce contexte, Daele et Sylvestre (2017) relèvent six principales tensions. La première concerne les perceptions que les personnes avec lesquelles la CP interagit (direction, collègues, personnes enseignantes, personnes étudiantes, chercheurs) peuvent avoir de l’approche pédagogique des CP. Comme le souligne Little (2014), le travail des CP qui s’organise, notamment à travers la production de ressources pédagogiques, peut sembler « trop peu théorique » aux yeux des chercheurs en éducation tout en étant « pas assez pragmatique » selon les enseignants qui les utilisent.

Cette ambigüité peut entraîner un sentiment d’illégitimité chez les CP, la deuxième tension. Ces personnes professionnelles se retrouvent « entre » différentes disciplines académiques et doivent naviguer entre les différents acteurs du système ayant des objectifs parfois divergents (par exemple, enseignants versus administration) (Daele et Sylvestre, 2017). Pour aborder cette tension, Douzet (2021) préconise le développement de collectifs pédagogiques « mixtes », favorisant un rapprochement entre le terrain et la recherche.

La troisième tension se manifeste par le conflit entre les opinions des personnes enseignantes et du personnel administratif alors que la CP joue un rôle dans l’accompagnement ainsi que dans le leadership pédagogique numérique de l’établissement. Ces deux rôles doivent donc être cohérents et alignés afin de clarifier les politiques existantes ou de promouvoir les avancées pédagogiques numériques (Daele et Sylvestre, 2017). Il est donc essentiel de renforcer l’indépendance de la CP au sein de son établissement.

La quatrième tension survient lorsque les CP, qui proposent d’accompagner les personnes enseignantes ou les équipes, peuvent parfois se sentir jugées ou évaluées sur leurs compétences ou les approches utilisées (Daele et Sylvestre, 2017). Cela demande donc du temps et de l’investissement pour établir une relation de confiance et renforcer la crédibilité du CP (Daele, 2021).

La cinquième tension réside dans le fait que les CP travaillent dans la confidentialité, mais doivent également rendre compte de leurs activités (Daele et Sylvestre, 2017). Il est donc nécessaire de trouver un équilibre dans le triangle professionnel afin de garantir la confidentialité tout en respectant les exigences institutionnelles.

Enfin, la sixième tension reflète les contours flous de la profession, alors que les personnes enseignantes peuvent considérer les CP comme étant à la fois « juges et parties » (Daele et Sylvestre, 2017). Dans ce cas, les CP sont perçues comme responsables du contrôle de la qualité de l’enseignement tout en étant des conseillères pour l’amélioration des pratiques pédagogiques numériques.

En considérant ces éléments dans leur ensemble, la profession de CP est marquée par la marginalité et la précarité, ce qui engendre de l’ambigüité touchant leur statut et leurs responsabilités. Les CP naviguent dans des projets bercés par l’enthousiasmle et l’incertitude quant à leur légitimité en contexte institutionnel.

En enseignement supérieur au Québec, entre les établissements francophones et anglophones, il existe une grande diversité quant au positionnement des CP.  Dans le contexte européen, Lebrun (2021) parle d’une constellation de métiers chez les CP alors que la composante « conseiller » implique la notion de conseils sans la prise de décision ou la réalisation par soi-même.

Il importe de clarifier la place des CP à l’intérieur de l’établissement où ils travaillent. Pour ce faire, les CP doivent s’intéresser au contexte dans lequel ils exercent leur métier, mais également à la mission qui leur est dédiée. Ils peuvent consulter tous les documents officiels et officieux afin de reconnaitre les principes, les valeurs et les normes éthiques de leur établissement, et ce, pour s’assurer d’articuler adéquatement leurs pratiques pédagogiques. Les équipes de travail dans lesquelles le CP s’insèrent varient en termes de taille et de structure. Comme le mentionne Batier (2021), « un [CP] doit réaliser beaucoup plus de tâches variées que dans une équipe plus conséquente dans lesquels les postes sont plus spécialisées et les tâches plus précises. Cela joue aussi dans la confusion autour de ces métiers. Dans une petite équipe l’accompagnant peut être impliqué dans toutes les taches de la scénarisation, à l’évaluation en passant par la mise en ligne » (s.p.). Proust-Androwkha et al. (À paraitre) soulignent que, globalement, au collégial ce sont des équipes d’environ 12 personnes et à au niveau universitaire de 14 personnes. Dans ce nombre, il est possible de compter une personne à la direction de service ou une personne adjointe à la direction, du personnel administratif, du personnel technique comme des personnes en conception multimédia ou des spécialistes en audiovisuel en charge de la production de ressources numériques. Dans certains contextes, notamment universitaires, une personne est parfois chargée de projet au sein même du service. À ce nombre s’ajoutent des personnes moins souvent mentionnées comme des professionnelles en communication, en analyse informatique, en intégration de contenus, en recherche ou en enseignement (Proust-Androwkha et al., À paraitre).  

Dans ce contexte, il semble pertinent de consulter la structure organisationnelle pour bien situer les rôles et les responsabilités des CP. De cette manière, les CP peuvent baliser leur mandat, leur positionnement et leurs ressources tout en évaluant leur impact et la portée du soutien au développement pédagogique (Simard et Basque, 2017).


Quels sont les champs et les modes d’action du CP?

Les CP en enseignement supérieur possèdent une expertise dans deux domaines importants : la pédagogie et l’intervention. Selon un rapport de recherche de Houle et Pratte (2007), leur expertise touche le contenu pédagogique, tel que l’enseignement, l’apprentissage, l’évaluation, les approches, la réussite, les relations entre enseignants et élèves et la gestion de la classe. Leur expertise s’étend aussi au-delà de l’acte d’enseigner puisqu’elle intègre les processus internes des établissements qui varient en fonction du contexte, du milieu ou de l’institution. Ces deux expertises appellent des responsabilités des CP qui s’orientent en fonction de leurs attentes spécifiques, de leurs forces et de leurs faiblesses (Moskal, 2012). Ils peuvent également faire face à des tensions, telles que des différences de points de vue ou d’attentes entre les CP, les personnes enseignantes ou les personnes étudiantes (Daele, 2021). Comme le mentionne Batier (2021), « Souvent en présentant mon travail, je dis que je change de métier tous les 6 mois. Nous sommes dans un monde de mutation à cause de l’abondance des outils numériques, mais aussi de l’accélération des moyens de communication, de l’abondance de l’information, de la multiplicité des moyens de diffusion » (s.p.).

Les CP travaillent dans trois domaines principaux: le développement de la pédagogie, le développement professionnel des enseignants et le développement curriculaire (Houle et Pratte, 2007). Pour le développement de la pédagogie, les CP peuvent aider les personnes enseignantes et les personnes étudiantes à améliorer leurs enseignements, leurs apprentissages, leurs évaluations et leur gestion de la classe. En matière de développement professionnel, elles peuvent aider les personnes enseignantes à réfléchir sur leur pratique et à se perfectionner. Enfin, en matière de développement curriculaire, elles peuvent aider à élaborer des programmes d’études et des orientations pour le système éducatif. Les CP en enseignement supérieur travaillent dans différentes disciplines scientifiques et sont associés à différents services. Les CP développent des compétences et des expertises diverses qui peuvent être pédagogiques, administratives ou académiques (Green et Little, 2016).

Écouter le septième épisode « Exercer son leadership » (18 min 44 s) de la série balado Les beaux rôles sur les questions autour du leadership pédagonumérique des CP, dont l’importance de l’écoute, la gestion des attentes et l’art de cultiver de bonnes relations.

En somme, l’expertise en pédagogie et en intervention des CP leur permet d’aider les personnes enseignantes à atteindre leurs objectifs, tant sur le plan individuel que collectif. Le rôle des personnes CP est en constante évolution et elles doivent être capables de se définir par elles-mêmes et de s’adapter aux différents défis auxquels elles sont confrontées. Les CP peuvent également faire face à des tensions qui expliquent leurs difficultés à délimiter leurs champs d’opération et d’action (Daele, 2021).


Qu’est-ce qu’une compétence?

Le Boterf (2002) soutient qu’il s’agit de mobiliser une combinaison de ressources pertinentes internes (p. ex. connaissances, habiletés, attitudes) et de ressources externes (p.ex. documents, outils technologiques ou non) dans le but de répondre aux besoins spécifiques d’une situation professionnelle selon les exigences du contexte. La compétence ne se limite pas à l’utilisation de connaissances préalablement acquises, mais plutôt à la capacité de sélectionner, entre autres, les connaissances les plus appropriées pour résoudre une situation spécifique. En d’autres termes, être compétent implique d’adapter ses connaissances à un contexte particulier plutôt que de simplement appliquer des connaissances apprises hors contexte. Cela signifie également que la compétence ne peut pas être automatisée et qu’elle nécessite une réflexion et une adaptation constantes (Georges et Poumay, 2020).

Pour comprendre un peu mieux ce qu’est une compétence, le Conseil de l’information sur le marché du travail propose une courte vidéo sur le sujet.

C’est quoi une compétence?

Quelles sont les compétences des CP?

Au collégial, Houle et Pratte (2007) proposent trois catégories de compétences : 1) professionnelles de base, 2) transversales et 3) particulières pour mettre en lumière l’expertise conseil en pédagogie et l’expertise en intervention.

Quelles sont les compétences de base?

Selon Houle et Pratte (2007), il est important pour les CP de comprendre la fonction de leur rôle afin d’adapter leurs interventions en fonction du contexte de l’établissement d’enseignement supérieur. Cela implique de prendre en compte des facteurs tels que la mission, la vision, les valeurs, les enjeux, les objectifs stratégiques, l’historique, le financement, la dynamique interne et la culture organisationnelle de l’établissement (Simard et Basque, 2017).

L’éthique occupe également une place importante dans les référentiels consultés (Houle et Pratte, 2007). Les CP doivent garantir la confidentialité des échanges et faire preuve de bienveillance, de respect et de tolérance envers les personnes qu’ils conseillent. Ils doivent également agir avec rigueur et efficacité tout en respectant leur propre intégrité et en favorisant l’autonomie des personnes rencontrées (Houle et Pratte, 2007). Dans leurs interactions avec autrui, les CP doivent être capables de maintenir une relation asymétrique, tout en respectant les normes de confidentialité.

Pour en savoir un peu plus, il est possible de consulter la chronique de l’atelier sur la gestion de situations délicates proposé à l’hiver 2023 par Judith Cantin.

Une classe de maître sur la gestion de situations délicates

L’utilisation des outils numériques est également un aspect important de l’éthique en conseil pédagogique. Les CP doivent prendre en compte l’impact des outils numériques sur le bien-être psychologique et physique des personnes étudiantes ainsi que des personnes enseignantes dans un cadre professionnel, la crédibilité des outils proposés, la gestion des informations personnelles et les lois et règlements en vigueur.

En résumé, les compétences professionnelles de base des CP incluent la capacité à comprendre leur rôle et leur contexte d’intervention, à agir avec éthique en respectant les normes de confidentialité et en faisant preuve de bienveillance, de respect et de tolérance, ainsi que la capacité à utiliser efficacement les outils numériques tout en respectant les normes éthiques et les règlementations en vigueur.

La dernière compétence de base pour un conseiller pédagogique est l’engagement dans son développement professionnel. Pour ce faire, il est important de réfléchir de manière scientifique et systématique sur ses activités et de partager cette réflexion dans des revues ou des colloques scientifiques et professionnels (Daele, 2021). La pratique réflexive permet d’analyser les interventions, de reconnaitre les forces et les limites de celles-ci et de trouver des moyens pour s’améliorer (Simard et Basque, 2017). Pour actualiser leurs connaissances et leurs pratiques, les CP doivent également établir un plan de perfectionnement qui inclut des objectifs à atteindre et des ressources à mobiliser.

Il est important de s’autoévaluer, mais aussi de solliciter des évaluations concernant les interventions proposées afin de planifier des moyens d’amélioration. Le Scholarship of Academic Development (SOAD), qui est une variante du Scholarship of Teaching and Learning (SoTL), peut offrir une approche structurée pour accompagner les CP.

Pour en apprendre un peu plus sur le SoTL, il est possible de consulter la vidéo proposée par l’équipe de l’incubateur d’innovations pédagogiques (i2p) de l’Université de Sherbrooke.

Approche SoTL

Quelles sont les compétences transversales?

La communication est une compétence clé pour les CP qui doivent établir et maintenir des relations de qualité avec les personnes qui font appel à leurs services. Pour y parvenir, ils doivent faire preuve d’empathie et d’écoute active, utiliser un langage compréhensible par tous et adapter leur discours aux différentes situations et publics qu’ils rencontrent. Les intentions de communication peuvent être variées, passant par la vulgarisation de résultats de recherches pédagogiques en passant à la formation ou à la valorisation d’activités pédagogiques (Chênerie et al., 2014). Les CP doivent alors adapter leurs messages, les contextualisant en fonction des règles et des conventions de l’établissement.

Les CP doivent également avoir des compétences en lecture, en rédaction et en expression orale afin de pouvoir communiquer de manière adéquate, pertinente et synthétique. Ils doivent maitriser les règles de la langue écrite et orale et être à l’aise dans l’expression de leurs idées. En outre, ils doivent également « avoir une maîtrise adéquate de la langue seconde » (Houle et Pratte, 2007, p. 113), et ce, pour lire des textes, consulter des références et participer à des rencontres dans cette langue.

Les CP doivent être à l’aise avec le travail en équipe, car les équipes auxquelles ils seront intégrés peuvent être composées de personnes enseignantes de différentes disciplines et de membres du personnel de statuts et d’intérêts différents, provenant de diverses organisations du milieu de l’éducation, parfois à l’externe. Les CP doivent être capables de travailler en collaboration avec ces équipes, de manière cohérente, efficace et respectueuse afin de cocréer dans un environnement notamment numérique. Les CP adoptent une approche de coconstruction plutôt qu’une approche prescriptive afin de résoudre les conflits et de favoriser la collaboration efficace dans la reconnaissance du « champ de compétence, le rôle, les responsabilités et l’étendue de la contribution de tous les membres de l’équipe pédagogique » (Simard et Basque, 2017, p. 106). Ils adaptent les orientations et les actions à celles prises collectivement, et contribuent aux réalisations de l’équipe selon leur champ de responsabilité, leur mandat, leur expertise et leurs habiletés.

Au sein de cette collaboration, les CP jouent un rôle de vigie dans l’analyse de situations pédagogiques afin de proposer des orientations et des pistes d’action (Houle et Pratte, 2017). Les CP analysent les situations pédagonumériques afin d’en brosser un portrait global comprenant les caractéristiques, les parties prenantes, les forces, les tendances, les interinfluences, les dimensions et les enjeux. De cette manière, ils peuvent dégager des avenues prometteuses ou, au contraire, des écueils possibles. Chênerie et al. (2014) parlent d’un accompagnement de proximité et de la mise en place de dispositifs pour recueillir les besoins pédagonumériques afin de définir les besoins de formation.

Quelles sont les différentes sphères d’activités en pédagogie et en intervention?

Les champs d’opération et d’action des CP en enseignement supérieur sont nombreux et diversifiés. Houle et Pratte (2007) ont fait le choix de les rassembler autour de sept fonctions : information, conseil, soutien, formation, évaluation, gestion de projets ainsi que recherche et développement. En s’inspirant de Granger, Guillemette et Lamoureux (2019), les compétences sont divisées dans cinq types de fonctions du CP.

Nonobstant les différentes fonctions, certaines tâches convergent comme le fait de dégager une problématique à partir de l’analyse de la situation, de convenir d’un mandat clair et reconnu ou d’élaborer un plan d’intervention. Tout d’abord, les CP collaborent avec les parties impliquées pour déterminer la problématique et les enjeux de la situation, ainsi que recueillir des faits. Ensuite, ils conviennent d’un mandat clair avec l’instance ou la personne qui a fait appel à eux, en identifiant les objectifs, les obstacles et les résultats attendus, et en définissant les limites de leurs rôles. Ils participent ensuite à l’élaboration d’un plan d’intervention en choisissant les stratégies et les moyens d’intervention, et prévoient les procédures à suivre en cas de résultats insatisfaisants. Enfin, ils proposent des interventions particulières, telles que l’animation de situations de conflit, la conciliation entre les parties et la recherche de consensus, et rendent compte de leurs interventions et des résultats obtenus.

Écouter l’épisode concernant Le conseil pédagogique dans l’enseignement supérieur dans Pédagoscope Ariane Dumont discute avec  Julien Douady du programme de formation proposé  dans le réseau PEnSERA2, soit un programme de formation à l’intention des personnes enseignantes qui souhaitent développer des compétences en conseil pédagogique.




Le tableau ci-dessous synthétise les diverses fonctions des conseillers pédagogiques de l’enseignement supérieur proposées notamment par Houle et Pratte (2007), ainsi que des exemples d’activités qui reflètent leur expertise et leur engagement dans le développement professionnel, l’innovation et l’amélioration continue des pratiques pédagogiques.

Types de fonctionsExemples d’activités  
Conseiller / AccompagnerConseiller le personnel enseignant et non enseignant, le personnel-cadre et des instances au sujet du domaineFormuler des avis ou des conseils en fonction de l’expertiseConvenir d’un mandat clair comportant des limites et des objectifs à atteindreÉlaborer un plan d’intervention à la suite d’une analyse de la situationGuider les personnes consultées dans une démarche réflexiveContribuer, selon son expertise et son champ de responsabilité propre, à la résolution de problèmes pédagogiquesAccompagner les personnes enseignantes dans la réalisation de projets ou de changements pédagogiquesGérer les interactions lors d’ateliers ou de formations à l’aide de techniques d’animationCoordonner des ressources, des dossiers, des projets pédagogiques, des activités ou des programmes de formation des enseignants Participer à l’évaluation de la qualité de ressources pédagogiques ou de processus, d’activités de formation ou de programmesPrendre en charge des ressources, des dossiers ou des projets pédagogiques, des activités ou des programmes de formation des enseignants
FormerFormer le personnel enseignant et non enseignant dans une perspective de développement professionnelConcevoir de la formation pour répondre à des besoins pédagonumériquesProposer du soutien pédagonumérique lors de l’utilisation d’outils
InnoverContribuer aux développements pédagogiques et curriculairesParticiper à des recherches et à des projets de développementExercer un leadeurship pédagonumériqueAgir comme agent de changement en influençant le développement des finalités, des pratiques et de la qualité de l’enseignement Développer les réseaux locaux, nationaux et internationaux Participer à la gestion de projet d’innovation
Tableau des fonctions des CP en enseignement supérieur

Bilan et perspectives

  • Quel est votre point de vue ou votre première réflexion concernant les rôles et les responsabilités des personnes conseillères pédagogiques de l’enseignement supérieur?
  • Comment délimitez-vous les champs et les modes d’action des personnes conseillères pédagogiques de l’enseignement supérieur?
  • Quel serait l’impact (motivation, engagement ou autres) sur votre développement professionnel de clarifier la situation des personnes conseillères pédagogiques de l’enseignement supérieur dans votre établissement par rapport aux autres professionnels? 

Références

ANSTIA. (2022). Les missions des ingénieurs pédagogiques dans l’enseignement supérieur : propositions pour un nouvel emploi-type et exemples de fiches de poste. ANSTIA.

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Belisle, M. (2011). Perceptions de diplômés universitaires quant aux effets d’un programme professionnalisant et innovant sur leur professionnalisation en contexte de formation initiale. [thèse de doctorat inédite]. Université de Montréal.

Chênerie, I., David, M., Chaliès, S., Martin, F., Tricot, A., Talbot, L., Suaudeau, S., et Bourlier, T. (2014). Référentiel de compétences du conseiller pédagogique dans l’enseignement supérieur. [document inédit].

Christensen, T. K., & Osguthorpe, R. T. (2004). How Do Instructional-Design Practitioners Make Instructional-Strategy Decisions? Performance Improvement Quarterly, 17(3), 45-65.

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Dubar, C. (2010). La crise des identités: L’interprétation d’une mutation. Presses Universitaires de France. https://doi.org/10.3917/puf.dubar.2010.01

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Peraya, D. (2021). Les métiers d’ingénieur et de conseiller pédagogiques à la loupe. Distances et médiations des savoirs, 34.

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Pour aller plus loin

Pour en apprendre plus sur le SOAD (Scholarship of Academic Development), consultez

–  Ricciardi Joos, P., Tormey, R., & Daele, A. (2016). Développer son expertise académique de conseiller pédagogique. Dans A. Daele & E. Sylvestre (dir.), Comment développer le conseil pédagogique dans l’enseignement supérieur ? (p. 281-299). Bruxelles : De Boeck.

Pour mieux comprendre les changements en conseil pédagogique depuis la pandémie de COVID-19, visionnez