Et si on jouait autrement ?

Repenser le jeu en enseignement supérieur : une posture plutôt qu’un outil

Parfois, en tant que conseillers pédagogiques, nous avons cette petite voix intérieure qui nous chuchote : « Il faudrait que ce soit plus ludique. » On cherche alors des jeux, des applications, des mécaniques toutes prêtes à importer dans les cours. Mais rapidement, une autre réalité nous rattrape : créer des jeux pédagogiques, c’est long, complexe et souvent hors de portée. Et si, plutôt que de viser à « jouer en classe », on osait simplement « être ludique » ? 

C’est cette invitation que nous a lancée Xavier Martel-Lachance, conseiller pédagonumérique au Collège Montmorency, lors de la plus récente Pédagopause consacrée à la distinction entre jeu et ludique. Inspiré par les travaux de Dearybury et Jones (2020), Xavier nous propose un changement de focale : délaisser la lourdeur du design de jeu et adopter une posture d’ouverture, de créativité et de plaisir. 

Le jeu : une évidence... pas si simple à appliquer

Il ne fait plus de doute que le jeu est un puissant moteur pédagogique. Les chercheurs s’entendent : le jeu favorise la communication, l’apprentissage et la cohésion sociale. Il s’agit d’un mode de développement fondamental, libre, flexible, sécuritaire et co-construit par les participants (Sanchez, Brougères, Sauvé, Caillois). 

Mais intégrer du jeu de façon efficace en enseignement supérieur ? Voilà un tout autre défi. Concevoir un jeu pertinent et engageant demande des compétences pointues et beaucoup de temps. Et même en y consacrant des efforts considérables, rien ne garantit que les étudiants voudront « jouer le jeu » ou y trouveront du plaisir. 

Ludification, jeu sérieux, ludicisation : trois voies, une posture

C’est cette troisième voie que Xavier nous encourage à explorer : « Et si la clé était dans notre posture, et non dans nos outils ? » 

Plutôt que de courir après des jeux prêts à l’emploi, et si nous invitions l’attitude ludique dans nos classes ? Un état d’esprit où la curiosité, la créativité, l’humour et la spontanéité priment. Une posture où l’on accueille l’imprévu, où l’erreur devient une occasion d’apprentissage, et où les relations humaines sont au cœur de l’expérience. 

Le climat et le cercle magique : des piliers pour apprendre avec plaisir

Créer un climat d’apprentissage positif est essentiel. Il ne s’agit pas de rendre les cours « amusants » à tout prix, mais de bâtir un environnement sécuritaire et bienveillant où la confiance permet aux étudiants de s’investir, d’essayer et de se tromper sans crainte. Comme le rappelle Lauricella et Edmunds (2022), « le plaisir peut aller de pair avec la rigueur. » 

Xavier nous a aussi invités à entrer ensemble dans ce qu’il nomme le cercle magique, cet espace symbolique où les règles du jeu – ou de l’apprentissage – sont co-construites par tous les participants. Ce cercle, loin d’être un simple cadre imposé, devient un rituel, une manière d’adhérer collectivement à une expérience où chacun a sa place. 

Une pédagogie de la souplesse

Adopter une posture ludique, c’est aussi accepter de laisser de la place à l’imprévu. C’est planifier avec souplesse, accueillir les détours proposés par les étudiants et accepter que nos interventions puissent parfois bifurquer du chemin initial. C’est offrir un climat sécuritaire… dans les deux sens. 

Xavier l’a bien souligné : « Le jeu en classe, ce n’est pas toujours une question de matériel ou de scénarisation complexe. C’est avant tout une question de posture. Et la bonne nouvelle, c’est que cette posture, nous l’avons tous à portée de main. » 

Revenir au plaisir d’apprendre

Pour les conseillers pédagogiques et les enseignants qui cherchent à revitaliser leurs pratiques, la ludicisation offre une piste accessible et inspirante. Il ne s’agit pas de devenir des concepteurs de jeux, mais de réapprendre à jouer avec les situations d’apprentissage. 

Alors, la prochaine fois que vous sentirez ce petit décalage entre « ce qu’on doit faire » et « ce qu’on aimerait vivre », rappelez-vous que la ludicisation commence par un simple changement d’état d’esprit : celui de se donner, et de donner aux étudiants, la permission de jouer. 

Ressources

 [Livre] © Hovington, S. et Lépine, J. (2024). La pédagogie par le jeu en enseignement supérieur : Un levier pour favoriser le développement du savoir-être. Université Laval. Fabrique REL

Partager :