La formation comme solution? Pas si vite! Une approche stratégique pour l'analyse des besoins de formation

Saviez-vous qu’il y a des personnes conseillères pédagogiques (CP) au CHUM? Le CHUM, c’est une organisation de 18 000 personnes, dont 4 500 personnes professionnelles et environ 1 000 médecins. La formation y prend diverses formes : formation professionnelle, formation académique, communautés de pratique en réseau, et plus encore. Une dizaine de CP y travaillent, appuyés par une équipe d’agents de formation spécialisés en intégration multimédia.

Les CP y jouent un rôle de conseiller, d’accompagnateur, d’innovateur, de facilitateur ou de solutionneur. Benjamin Bousquet-Lemieux et Sophie Lamontagne, tous les deux travaillant à la Direction de l’enseignement et de l’Académie du CHUM (DEAC), sont venus à i-mersion CP présenter l’atelier Prioriser les projets et définir sa posture professionnelle : point de vue de CP en milieu hospitalier.

Nombreuses sont les formations où ces collègues CP sont interpelés: préparation des produits sanguins stables nécessitant une reconstitution ou décongélation avant l’administration, exigences d’entretien ménager où des médicaments dangereux sont utilisés pour n’en nommer que deux. Comme bien des CP du collégial ou de l’universitaire, les collègues rencontrent un foisonnement de demandes de formation, et ce, avec des ressources limitées ou des objectifs flous. La posture de partenaire stratégique est alors considérée comme une solution, c’est-à-dire qu’il importe de questionner les requérants sur les objectifs de la demande de projet pour s’assurer qu’ils sont clairs, mais aussi mobiliser l’ensemble des parties prenantes.

Différencier performance et productivité

Comme l’a relevé Benjamin, dans leur contexte, il est fondamental de bien distinguer deux concepts: la performance et la productivité. La performance se définit comme l’atteinte des comportements et résultats attendus dans un contexte donné. Benjamin explique brièvement: «j’ai des employés qui ne font pas ce qu’ils doivent faire». Le concept diffère de la productivité, qui mesure plutôt la rapidité et l’efficacité dans l’exécution des tâches. D’après lui, cette distinction oriente l’analyse des besoins vers des solutions différentes : un enjeu de performance nécessite d’examiner les conditions qui empêchent l’atteinte des résultats attendus, tandis qu’un enjeu de productivité appelle des interventions ciblant l’optimisation des processus.

Processus de demande de service au CHUM

 

Libérer une heure tout le personnel du CHUM pour effectuer une formation coute plusieurs milliers de dollars. Il importe donc de valider l’impact de cette formation et de s’assurer de sa pertinence.

Ce constat a encouragé Benjamin et Sophie à se poser la question: « A-t-on vraiment besoin d’une formation? » Benjamin nous a présenté un outil particulièrement intéressant : un logigramme d’analyse permettant d’évaluer si la formation est vraiment la meilleure solution à un problème donné.

 

Une démarche systématique en quatre étapes

Avant même de commencer, il importe de décrire le contexte afin de baliser le tout. Qui est concerné par l’écart de performance? Quel est le contexte?

Puis, la première étape consiste à évaluer la pertinence de l’intervention. Il s’agit d’abord d’identifier précisément qui est concerné par l’écart de performance observé, puis d’analyser l’impact potentiel si aucune action n’est entreprise. Cette analyse permet de déterminer si l’enjeu est suffisamment significatif pour justifier une intervention structurée.

La deuxième étape explore les solutions rapides pouvant être mises en place. Le CP doit alors vérifier plusieurs aspects : la clarté des attentes communiquées aux différentes personnes apprenantes, la disponibilité du matériel nécessaire à la réalisation des tâches, l’adéquation du temps alloué, la qualité de la cohésion dans l’équipe, et l’existence de mécanismes de rétroaction appropriés.

Est-ce que les gens savent ce qu’on s’attend d’eux ? (extrait de l’atelier)

La troisième étape se concentre sur l’analyse de la perception de la tâche par les personnes concernées. Cette phase est cruciale, car elle permet d’identifier d’éventuels désavantages liés à la bonne exécution de la tâche ou, inversement, des avantages potentiels à maintenir une performance inadéquate. Il est également important de comprendre les freins psychologiques ou organisationnels qui peuvent influencer la performance.

La quatrième étape vise à évaluer la compétence réelle des personnes concernées. Le CP peut se poser la question à savoir si la tâche a déjà été bien réalisée par le passé, évaluer le niveau de pratique actuel, et explorer les possibilités d’ajuster la complexité de la tâche pour faciliter sa réalisation. Par exemple, si les personnes apprenantes n’ont pas assez d’occasions de pratique certaines méthodes pédagogiques, il est normal qu’elles ne les utilisent pas en classe.

Des alternatives à considérer

 

La formation ne devrait pas être considérée comme une solution automatique aux problèmes de performance. Benjamin et Sophie sont d’avis que des alternatives peuvent s’avérer plus pertinentes et efficaces : un travail sur la gestion du changement, un renforcement de la communication des attentes, une optimisation des processus de travail, un ajustement des conditions d’exercice, ou encore la mise en place de mécanismes de soutien et d’accompagnement adaptés au contexte. Il est alors possible de proposer du mentorat ou des aides à la tâche; des solutions entrainant beaucoup moins d’étapes, de temps et de personnes intervenantes!

Personnellement, j’ai pensé au modèle comportemental de réponse à l’intervention (RAI) où le niveau 1 est celui adapté à tous les élèves et où le niveau 3, c’est-à-dire 1 à 5% des élèves, implique une intervention spécialisée et individuelle.

Extrait du cours EDU 1014 à la TELUQ

Et si on considérait l’élaboration d’une formation comme une intervention de niveau 3? Une solution à déployer uniquement quand les difficultés persistent malgré tout… malgré les attentes claires, le matériel adéquat, les ajustements de temps optimisés, les améliorations mineures dans la cohésion de l’équipe, les rétroactions ciblées…

Implications pour la pratique conseillère

En adoptant le logigramme, le CP peut désormais adopter une posture d’analyste stratégique plutôt que celle d’un simple concepteur de formations (ou un preneur de commande, comme diraient Sophie et Benjamin!). Cela implique de développer une compréhension approfondie du contexte organisationnel, de maitriser les techniques d’analyse de besoins, et d’être capable de proposer des alternatives pertinentes à la formation. Le CP doit également pouvoir justifier rigoureusement ses choix d’intervention auprès des requérants.

Conclusion

La formation représente un investissement considérable en temps et en ressources. Une analyse rigoureuse des besoins permet non seulement d’éviter le développement de formations superflues, mais aussi d’identifier les interventions les plus susceptibles d’avoir un impact réel sur la performance. Pour le CP, il s’agit d’être capable d’accompagner l’organisation dans l’identification et la mise en œuvre des solutions les plus appropriées. Cette évolution du rôle est essentielle pour garantir une utilisation optimale des ressources et pour maximiser l’impact des interventions pédagogiques dans l’organisation. C’est un outil précieux pour jouer un rôle de leader pédagonumérique!

Pour aller plus loin

Sophie recommande la lecture de Pouvoir, influence et habiletés politiques dans les organisations de Pierre Lainey, un ouvrage précieux pour développer son pouvoir d’influence dans des environnements complexes.

 

Article rédigé à partir de mes notes et des contenus générés par l’IA (Claude AI, 2024)

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