*** Chronique rédigée par Camille Arpin de Collecto concernant l’atelier de — Karina Lapointe et Catherine Doucet du Cégep de l’Outaouais, intitulé Un programme qui redéfinit l’insertion professionnelle ***

On entend souvent que près de 50% des nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes quittent la profession dans les 5 premières années. Plusieurs facteurs influencent leur décision, dont la charge de travail et la précarité d’emploi. Cependant, comme conseillers et conseillères pédagogiques (CP), nous pouvons mettre en place certaines mesures pour améliorer l’insertion professionnelle du personnel enseignant dans nos établissements. Catherine Doucet et Karina Lapointe, CP au Cégep de l’Outaouais, ont présenté le programme d’insertion professionnelle (IP) qu’elles pilotent depuis plusieurs années dans leur cégep.

Après avoir sondé les participants et participantes, le constat général qui est ressorti est que les mesures d’IP au sein des établissements d’enseignement ne sont pas toujours arrimées aux besoins du nouveau personnel et que celles-ci découlent parfois d’initiatives personnelles ou départementales qui ne sont pas nécessairement encadrées par l’établissement.

Bien souvent, dans le réseau collégial, les enseignants et les enseignantes sont des personnes expertes de leur discipline sans formation en pédagogie. L’idée de Catherine et de Karina a été d’outiller les nouvelles personnes enseignantes en leur offrant entre autres différentes formations. Ainsi, en facilitant leur entrée en fonction au sein du cégep, leur démarche favorise le sentiment de compétence et la rétention du personnel.

Un programme d’insertion professionnelle éprouvé

Dans un article publié à l’automne 2023 dans Pédagogie collégiale, Catherine et Karina présentent le programme d’IP mis en place au Cégep de l’Outaouais. Au cours des 10 dernières années, plusieurs initiatives ont été mises sur pied. D’abord, en 2013, une politique d’accueil a été adoptée par le Service des ressources humaines du Cégep de l’Outaouais. Puis, en 2015, le programme d’IP a été officialisé par la Direction des études et le Service de recherche et de développement pédagogique. Les départements du cégep ont été invités à rédiger également un programme d’IP spécifique à leur réalité et à leur discipline. Depuis 2017, le programme d’IP est rendu obligatoire pour tous les nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes. Avec le soutien du Service de ressources humaines, toutes les nouvelles personnes enseignantes sont libérées le vendredi avant-midi. Ainsi, elles peuvent participer aux 5 formations obligatoires de 3 heures qui ont lieu en présence tout au long de la session. Elles ont 2 ans pour compléter tous les ateliers. Le Cégep de l’Outaouais compte 2 campus (Hull et Gatineau), ce qui permet à Catherine et à Karina d’alterner les sessions de formation entre les 2 campus (par exemple, à l’automne, les formations se donnent au campus de Gatineau et à l’hiver, au campus de Hull). Il importe de noter que les conseillères pédagogiques Emilie Doutreloux et Nadine Chauret ont aussi travaillé à élaborer les ateliers d’insertion professionnelle.

Il n’y a pas d’ordre précis pour suivre les formations. L’idée est d’outiller les nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes sur des éléments concrets de leur profession et à leur donner un lieu pour créer des liens tangibles avec d’autres collègues, de manière à développer leur sentiment d’appartenance.

À l’heure actuelle, 5 formations sont offertes:

Deux ateliers optionnels ont aussi été ajoutés:

Les animatrices ont ensuite sondé les personnes participantes, lors d’un casse-tête d’expertise, sur les mesures d’IP mises en place dans leur établissement. En équipe de 4, ils et elles ont listé:

Les discussions ont aussi révélé que l’accueil pédagogique porte très souvent sur des éléments d’ordre administratif (ressources et services de l’établissement, politique institutionnelle, etc.) et qu’il n’y a pas toujours de structure établie. Certains départements vont offrir du mentorat, d’autres non.

Les thématiques souvent abordées dans les ateliers d’IP sont la gestion de classe, l’inclusion et la diversité, l’évaluation, la planification et les plans de cours et plans cadres. Certains contextes d’enseignement nécessitent une formation sur l’enseignement en ligne et le développement de la relation pédagogique à distance. De plus, certains établissements forment leur personnel enseignant dans l’adaptation de leur matériel pédagogique pour prendre en compte les Premiers peuples.

Karina et Catherine précisent que dans les ateliers qu’elles dispensent, seule celui sur la gestion de classe peut être crédité si le nouvel enseignant ou la nouvelle enseignante possède déjà un bagage pédagogique.

Dans les formes d’animation pédagogique mises en place, les participants et participantes à l’atelier de Catherine et Karina ont mentionné que l’accent était souvent mis sur les échanges. Des groupes de parole et même des lac-à-l’épaule étaient proposés aux enseignants et aux enseignantes. Toutefois, il arrive que l’IP du personnel enseignant soit confondue avec l’évaluation de celui-ci.

Pour Karina et Catherine , il est important d’offrir des ateliers dynamiques en présence. Discuter en groupe sur différentes pratiques pédagogiques recèle une richesse qu’elles n’ont pas retrouvée dans leurs tentatives de formations à distance en formule asynchrone. La cohésion d’équipe qui se crée lors des ateliers en présence aide les nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes à prendre conscience de l’importance du développement professionnel.

D’ailleurs, le syndicat du Cégep de l’Outaouais a appuyé ce parcours d’IP, car la profession enseignante est complexe et le personnel enseignant a besoin de soutien, surtout en début de carrière.

Toutefois, certains défis ne peuvent être évités, dont celui de la mobilisation des enseignants et des enseignantes. Il est toujours difficile de trouver un moment opportun. En effet, Karina et Catherine mentionnent que le Service des ressources humaines de leur cégep peine à libérer tout le nouveau personnel enseignant les vendredis avant-midi. De plus, comme les premières sessions d’enseignement sont souvent très chargées, il devient difficile d’allouer du temps au développement professionnel. Le suivi des formations est également complexifié puisque l’embauche du personnel ne se fait pas toujours en début de session. Parfois, Catherine et Karina doivent adapter leurs formations pour une approche individualisée ou pour un département qui ne peut libérer son nouveau personnel enseignant les vendredis. Cela alourdit quelque peu le travail et empêche les participants et participantes de profiter pleinement des échanges de bonnes pratiques qui ont lieu lors des ateliers réguliers. Dans certains cas, du mentorat ou de l’observation en classe est effectué, mais il s’agit d’initiatives départementales. Aussi, dans le casse-tête d’expertise, on a souligné la difficulté de mobiliser le personnel lorsqu’il est question de développement professionnel, parce qu’il est peu valorisé et rarement rémunéré après l’IP.

Bref, le programme de formation que proposent Karina et Catherine au Cégep de l’Outaouais est la pierre angulaire de l’IP du nouveau personnel enseignant, mais aussi de sa rétention. Au cours de l’été 2024, elles prépareront une formation pour les nouveaux conseillers et nouvelles conseillères pédagogiques, car ils et elles occupent souvent des fonctions très variées au sein des établissements d’enseignement.

Et vous, avez-vous mis en place des mesures d’IP pour le personnel enseignant ou pour les CP au sein de votre établissement ?