– 11 novembre 2025

Article

Professionnaliser le conseil pédagonumérique : vers un référentiel de compétences

Le 5 novembre dernier, Félix Arguin présentait aux participants d’i-mersion CP le fruit de quatre années de travail : un référentiel de compétences professionnelles pour les conseillers pédagonumériques (CPN) de l’enseignement supérieur québécois. Et le message était clair pour toutes les personnes CP présentes : loin de se limiter aux CPN, ce référentiel a le potentiel de soutenir l’action de l’ensemble des CP. 

Un besoin criant de clarification 

La pandémie a révélé l’importance stratégique des CPN dans les établissements d’enseignement. Or, malgré ce rôle crucial, la profession demeure floue : diversité des appellations (concepteur pédagogique, ingénieur pédagogique, instructional designer, etc.), profils d’entrée hétérogènes et absence de référentiel actualisé compliquent le recrutement, l’intégration et le développement professionnel. 

Félix s’est donc posé la question : dans une perspective de référentialisation, quelles sont les compétences professionnelles des CPN de l’enseignement supérieur au Québec en 2025?

Pour y répondre, il a mené 13 entrevues auprès de professionnels issus de 10 établissements collégiaux et universitaires, en prenant un soin particulier à y inclure une plus grande diversité possible de personnes. À l’issue de quoi, il a élaboré un travail d’analyse approfondi qui a permis de faire émerger un portrait de la profession. 

Sept familles de situations professionnelles

L’analyse a permis d’identifier sept grandes familles de situations professionnelles dans lesquelles les CPN évoluent quotidiennement. On y retrouve l’accompagnement et le soutien, l’animation et la formation, ainsi que le pilotage stratégique institutionnel, un aspect souvent oublié mais qui rappelle que le rôle des CPN s’étend jusqu’au niveau de l’institution.

S’ajoutent la conception et l’innovation pédagonumérique, l’analyse et le traitement de l’information, la collaboration et le partage des connaissances, ainsi que la gestion et la coordination. Ces familles englobent 17 situations professionnelles distinctes, chacune mobilisant différentes combinaisons de compétences. 

Neuf catégories de compétences interdépendantes 

Le cœur du travail de Félix réside dans l’identification de neuf catégories de compétences professionnelles, regroupant 51 compétences spécifiques : 

Les compétences actualisantes traduisent ce besoin constant de faire évoluer son expertise, notamment par la veille pédagonumérique et l’expérimentation de nouvelles solutions. 

Les compétences analytiques permettent de traiter l’information collectée, d’évaluer les besoins et d’orienter la prise de décision. Comme l’ont exprimé plusieurs participants : « J’ai constamment l’impression d’être en analyse. » 

Les compétences relationnelles constituent le fondement même de l’action des CPN. La grande surprise de cette recherche fut d’ailleurs la prépondérance du relationnel, particulièrement dans l’accompagnement numérique où la vulnérabilité des personnes accompagnées est plus marquée. Un participant résumait la différence entre accompagnement pédagogique et accompagnement pédagonumérique par une image saisissante : « C’est la boîte de Kleenex. » 

Les compétences pédagogiques demeurent évidemment au cœur du métier, permettant d’assurer l’alignement pédagogique dans toutes les interventions. 

Les compétences adaptationnelles ont émergé avec une force inattendue. Le CPN apparaît comme un « professionnel de l’ajustement », capable de transformer les défis en opportunités et de gérer l’imprévu avec souplesse. 

Les compétences numériques vont bien au-delà de la maîtrise technique. Elles incluent la compréhension conceptuelle des enjeux et le développement d’une « intuition numérique » permettant d’anticiper les impacts des changements technologiques. 

Les compétences meunariales – un néologisme proposé par Félix – remplacent avantageusement le terme « leadership ». L’image de la bernache en tête de volée illustre cette capacité d’influence sans autorité formelle : assumer temporairement la direction, porter la vision collective, faciliter l’avancement du groupe, sans statut hiérarchique particulier. 

Les compétences gestionnelles permettent d’organiser, planifier et coordonner projets et initiatives, sans pour autant exercer un mandat de gestion au sens administratif. 

Les compétences autodirectrices guident l’autonomie professionnelle et l’éthique de travail, essentielles pour maintenir la crédibilité professionnelle dans un rôle où « on porte nos actifs sur notre dos. » 

Des outils concrets pour la profession

Au-delà du cadre théorique, Félix a développé des outils pratiques, notamment un test d’autopositionnement permettant aux CPN de visualiser leur profil de compétences sous forme de graphique en toile d’araignée. Cet outil inclut également le portrait perçu par les collègues, reconnaissant que « l’image qu’on projette n’est pas toujours celle que l’on a de nous-mêmes. » 

Les discussions lors de l’atelier ont révélé trois utilisations potentielles du référentiel. D’abord, pour l’insertion professionnelle, le cadre offre des repères clairs aux nouveaux CPN, les aidant à comprendre les attentes et à identifier les compétences à développer prioritairement.

Ensuite, pour le développement professionnel, il permet d’identifier ses forces et de cibler intentionnellement les domaines à développer, tout en reconnaissant que certaines compétences peuvent être moins prioritaires selon les mandats. Le concept de « plancher de compétences » proposé par une participante résonne particulièrement : établir en équipe un niveau minimal pour chaque compétence, puis se spécialiser selon les intérêts.

Enfin, pour la légitimation du rôle, le référentiel devient un outil de communication avec les gestionnaires et collègues, permettant de clarifier le mandat, de justifier certaines activités (comme la veille) et d’éviter la surcharge. Félix suggère de remplacer la question « qu’est-ce que tu veux que je priorise? » par « qu’est-ce que tu veux que je sacrifie? », forçant une réflexion sur les impacts réels des choix organisationnels. 

Un outil pour tous en consolidation 

Ce référentiel constitue une « ébauche », comme le rappelle modestement Félix. Sa diffusion et son appropriation par la communauté détermineront son évolution. L’équipe d’i-mersion CP s’engage d’ailleurs à faciliter cette diffusion par divers moyens : articles, balado, outils visuels. 

Félix montrait notamment que, si dans un premier temps son travail portait spécifiquement sur les CPN, force est de constater que la distinction entre ces derniers et d’autres types de CP tend à s’estomper avec le développement des technologies dans tous les aspects de l’enseignement supérieur.

Comme le soulignait une participante, ce cadre vient « légitimiser certaines de nos actions » et permet « d’uniformiser le langage » avec tous les partenaires. Une étape importante vers la professionnalisation d’un métier essentiel mais encore trop méconnu. 

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